A Saint-Mont j'allais portée par le souvenir
Ce poème sans titre nous entraîne sur les sentiers du Saint-Mont, massif vosgien chargé de mémoire et de silence. Le paysage, traversé à pied, devient ici territoire intérieur, lieu d’une marche où se croisent fées, souvenirs d’enfance, doutes et émerveillements.
Louise Casseroll
A Saint-Mont j’allais portée par le souvenir
Du passage des fées des doigts de pont
De pontife croisé et orant qui gauchisait
Mes doubles sommeils circulaires
Tournant à droite un cercle bleu s’affirmait
Les fougères expiraient au goudron refait
Longeant l’étang le triangle d’or révélait
Gaingoutte et ce virage en épingle fatidique
C’est là en cette première pause
Que j’usai des carnets pour noter
Les odeurs qui me ramenaient
A l’enfance doutant aussi bien
Du sens de ces écrits
Reprenant la route
La fontaine des charbonniers faisait bruire
Des esprits invisibles le carrefour dit de
La Boulée que de temps pour qu’une ombre
Se glisse sur la peau de la roche du Thin
Comme un message à comprendre ici
La clarière ronde et ses pâquerettes pour
Redire un peu de notre sotte simplicité
Ce grand chemin gauche encore croix bleue
Rond jaune qui porte les initiés à Sainte-Sabine
Comme des fugitifs il fallait raser le grillage
Se faire un peu oublier des pierres sacrées
Se glisser dans le murmure des sources
Un peu plus loin
Un banc de pierre signé
De mille anonymes
Pourquoi se souvenir des hommes
Dans ces hauteurs
Pourquoi revenir à temps
Contre tant
Encore maints virages pour essayer de lasser
Les plus faibles chaussés la pierre Kerlinquin
Qui me faisait rire petite j’imaginais des lutins
A gauche encore pour ne pas changer
Le passage utile se profile comme le début
De la fin derrière cette ligne d’herbe
Les abeilles et les chardons prendront
Des airs moins sauvages
Le temps d’un soupir
Et je retrouvais ces chères fées
Et le chemin du chez soi
Et la nostalgie
D’y retourner déjà
Louise Casseroll est née en 1975 à Épinal, d’un père vosgien et d’une mère kabyle. Elle vit aujourd’hui à Saint-Amé, dans une maison isolée au cœur des Vosges. Promeneuse solitaire, elle puise son inspiration dans la nature qu’elle arpente chaque jour. Sa poésie, simple, directe, attentive au monde, sans titre, s’inscrit dans l'éloge de la nature que l'on trouve en poésie depuis Virgile jusqu'à Guillevic.