Tanargue
Caroline Hugues
Hantée de légendes, la montagne du Tanargue se dresse ici comme une divinité farouche, tour à tour mère nourricière et déchaînée.
TANARGUE
La lumière se brode dans un drapé lourd
Mordorée de cette heure ou le soleil se tait
Dans un ultime instant, avalant le pourtour
De la crête dentelle que les vents ont usée
Bien plus noir que la nuit, tu te dresses fantôme
Libérant une à une tes bestioles nocturnes
Grattant, chassant, criant, suppliant ton aumône
Une châtaigne, un gland, tu donnes, taciturne
Tu t’appelles Taranis quand tu es en colère
Les cris de tes démons déchirent nos tympans
Allumant tout à tour l’ensemble des tes serres
Tu grondes tes vallées, comme mère ses enfants
Tu fais craquer le temps et déchire la matière
Fracassant sur tes flancs de sombres échos
Tes ténèbres font même pâlir Lucifer
Lorsque sur nous s’abat le feu de tes fléaux
Au matin rien ne reste, quelques branches tombées
La rivière gonflée d’un roulis de granit
Continue de chanter le tout dernier couplet
Du concert infernal orchestré cette nuit
Ton calme n’a d’égal l’éternelle rudesse
Qui te tient haut et fort planté comme un couteau
Dans les plis de la terre qui t’offre sa mollesse
Pour plonger tes racines, dans le creux de son dos
Montagne de tendresse, parfois tu t’assouplis
Quand ton aura bleutée estompe tes contours
Diluant les couleurs, dégradant ton lavis
Dans un pastel grisant la lumière du jour
En hiver tu revêts ton costume de rien
Et les arbres spectraux, comme des pinceaux
Blanchissent doucement le sommet le plus haut
Se dressant fièrement, tel un sein nivéen
Devant tant de beauté, humblement je m’incline
Contemplant chaque jour ton profil aquilin
Comme hommage éternel ton ombre se dessine
Et abreuve de vie, quelques alexandrins
Caroline Hugues vit sur les pentes du Tanargue depuis de longues années. Elle y a été éleveuse de chevaux à Laboule — un peu hippie, beaucoup libre. Le Tanargue, elle ne se contente pas de l’habiter : elle le respire, le marche, l’écrit, et même le porte sur la peau — tatoué sur la cheville droite.
Poétesse ardéchoise, elle a publié dans plusieurs revues, dont Dissonances, Miroir, et le collectif Poétisthme. On l’a entendue aussi dans le podcast Mange tes mots. Elle participe régulièrement aux ateliers d’écriture de Laura Vazquez et a été lauréate de plusieurs concours de poésie, avec des textes parus dans des recueils collectifs.
Son écriture navigue entre souffle intime et ancrage territorial. Lorsqu’elle a découvert Les Cahiers du Tanargue, c’était une évidence : elle devait y faire entendre sa voix.