Le grand vient : une quête de paix à travers l’image
À propos de la série photographique d’Agnès L : « 11_Le petit s’en va, le grand vient. La paix »
Il est des voyages qui ne se mesurent ni en kilomètres, ni en heures, mais en révélations. Le travail photographique d’Agnès L, intitulé 11_Le petit s’en va, le grand vient. La paix, relève de cette géographie intérieure, d’un périple initiatique qui répond à l’appel discret mais fondamental de ce que Joseph Campbell nommait le « héros intérieur ».
Inspirée par le schéma universel du monomythe — cette structure narrative présente dans les récits mythologiques du monde entier —, Agnès compose une œuvre où chaque image devient l’écho d’une transformation profonde. Ici, le voyage n’est pas simple déplacement dans l’espace, mais traversée de l’être. Il commence là où l’enfance laisse une empreinte, sur un panneau oublié, marqué de ses initiales, et s’étire jusqu’aux rivages symboliques de la Méditerranée. Ce territoire, qui fut celui d’Homère et d’Icare, devient le théâtre d’un itinéraire personnel et archétypal.
La série s’inscrit dans une démarche à la fois poétique, spirituelle et philosophique. L’artiste part en quête de réconciliation, de paix, en empruntant les sentiers de la mémoire et du mythe. Elle recueille les signes : une carte géologique, des photographies aériennes anciennes, des objets-souvenirs, des fragments du passé qui résonnent comme des « madeleines de Proust ». Chaque élément devient un repère dans le récit qu’elle tisse, une image incarnée d’un passage, d’une épreuve ou d’un dévoilement.
Dans ce travail, la photographie n’est pas simple enregistrement du réel, mais acte symbolique. À travers des procédés anciens — cyanotypes, photogrammes, gomme bichromatée, gravures — Agnès choisit la lenteur, l’expérimentation, la matière. Elle nous dit que pour retrouver la paix, il faut accepter de se perdre dans les strates du temps, faire le deuil d’une linéarité, accueillir le trouble des superpositions.
11_Le petit s’en va, le grand vient. La paix est une œuvre traversée par la lumière des grands récits fondateurs. On y croise l’ombre d’Ulysse, l’envol d’Icare, les maximes de Socrate et les archétypes de Jung. Mais au-delà de ces références, c’est une voix intime qui se déploie, celle d’une femme qui, en marchant, relie le ciel à la terre, le passé au présent, l’abstraction de la paix à sa figuration sensible.
Dans les images d’Agnès, la Méditerranée devient miroir de l’âme, la couleur bleue un fil conducteur, une respiration. Le voyage commence à la source d’une rivière cévenole et s’achève dans la mer Égée, mais ce parcours géographique n’est qu’un prétexte à un retour au soi, à cette paix intérieure qui surgit après l’épreuve, cette grâce dont parlait Campbell, lorsque le flux vital circule à nouveau dans le corps du monde.
Ce travail propose au spectateur une traversée à son tour. Une invitation à emprunter ce chemin des images, pour peut-être, à son rythme, répondre à l’appel silencieux du héros qui sommeille en chacun de nous.
Agnès L, En parallèle d’une carrière dans la communication et le graphisme, principalement au sein d’agences d’architecture et d’événementiel culturel à Montpellier et dans sa région, elle a toujours consacré une part importante de son temps à la vie associative et culturelle. Elle s’est particulièrement investie dans le domaine de la photographie contemporaine, en organisant des expositions, en participant à des festivals en tant qu’artiste exposée (Les Boutographies à Montpellier, Les Rencontres Internationales de la Photographie à Arles, le festival InCadaques en Espagne, entre autres), ainsi qu’en tant que lectrice de portfolios (Voies OFF à Arles, La Fontaine Obscure à Aix-en-Provence, Les Boutographies à Montpellier).