Notes photographiques depuis les pentes du Tanargue

Depuis quelque temps, je gravite autour du massif du Tanargue avec un appareil photo pour seule boussole. Rien de spectaculaire dans cette démarche. Pas de projet défini, pas de plan de table. Juste des marches lentes, des retours par les mêmes chemins, des hésitations, des images parfois — et surtout, un regard qui change.

Le Tanargue, avec ses pentes rudes et ses crêtes dégagées, ne se laisse pas enfermer dans une image facile. Trop complexe, trop vaste, trop silencieux aussi. Il impose un rythme. Il résiste. Et cette résistance façonne peu à peu ma manière de photographier. Elle m'oblige à revoir mes certitudes, à abandonner certaines habitudes formelles, notamment celles liées au traitement du noir et blanc.

Mes premières images du massif étaient encore marquées par une volonté de contraste fort : noirs profonds, blancs très présents, tensions graphiques nettes. Comme si le territoire, pour se donner à voir, devait être convoqué avec force. Mais au fil des sorties, au fil des saisons, j’ai senti que ce langage devenait inadapté. Que le Tanargue demandait autre chose : moins d’affirmation, plus d’écoute.

C’est ainsi qu’a commencé une évolution vers un noir et blanc plus subtil, plus ouvert. Une photographie moins tranchée, qui accepte les nuances de gris comme autant de respirations. Non plus une image qui cherche à dominer son sujet, mais qui s’y accorde. Non plus une volonté de fixer, mais d’accompagner.

Ce glissement formel est aussi une manière d’habiter le paysage. De reconnaître dans chaque photographie non pas un aboutissement, mais une tentative, un fragment, une trace. Loin de toute volonté d’inventaire ou de représentation totale, cette série en devenir s’apparente davantage à un journal visuel — un logbook — tenu depuis les chemins, les pierres, les brumes du Tanargue.

Ce que je cherche désormais, ce n’est pas une image « forte », mais une image juste. Une image qui laisse place à ce qui tremble, à ce qui échappe. Une image qui parle non pas au premier regard, mais à celui qui revient.

Matthias Koch est photographe et vit actuellement en Ardèche. Son travail s’articule autour de séries au long cours, aux titres évocateurs (Figures d’un Monde en Sursis, Leaving Home, Resonances, Eschaton...), explorant les thématiques de la disparition, de la mémoire, du territoire et de l’empreinte.
Son approche mêle photographie argentique et numérique, toujours portée par une écriture visuelle sensible, poétique et parfois inquiète.

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